Friday, November 21, 2014

MICHONNE, ELLE S'EN SORT A LA FIN ?

Les 26 newsletters (*) dont voici la dernière sont une réflexion sur les textes de médiation de l’art contemporain des quelques dernières années en France.
Je ne suis pas critique d’art et j’ai même du mal à enseigner : je trouve que c’est difficile de donner des leçons - sauf en magistral, où le côté théâtral me plaît bien. Mais en 2010, j’avais sorti mon « j’accuse ». Une missive/analyse de texte que j’avais envoyée à des tas de gens qui ne m’avaient rien demandé. Et puis j’ai continué à me prendre pour Zorro, parce qu’on m’en redemandait et que ça, ça fait toujours plaisir, et aussi parce que les copains et les copines rigolaient.
En fait, ce qui revient dans ces newsletters, ce qui déclenche mes crises Zorro, ce qui me révolte, ce qui ne passe pas, c’est le mépris social ainsi que celui du public. Ça me rend dingue. Et pourtant, je me soigne, je vous l’ai déjà dit. Alors, donc, eh bien voilà, j’arrête.

J’aurais pu consacrer cette dernière newsletter à une étude comparative des textes de communication autour du buzz McCarthy et l’anti-buzz du prix Duchamp lors de la FIAC 2014.
On s’est offusqué, sur les réseaux sociaux dans lesquels je suis active, de la bêtise des beaufs, choqués par un sapin gonflable de 24 mètres de haut, aux apparences de plug anal, érigé d’un jour à l’autre sur une des places regroupant les joaillers les plus chers du monde en plein centre de Paris ! Vraiment quels ploucs, les gens. Et Chiara Parisi, la commissaire, de déclarer au Monde : « Ses* œuvres font toujours réagir, pourtant son travail n’est pas dans la provocation, mais dans la critique, avec des yeux capables d’humour ». *(Mc Carthy) 
- Euh… S’il fait réagir, c’est qu’il a provoqué quelque chose, non ? Et les yeux capables d’humour, c’est ceux de qui ? Du public ? Ceux de l’artiste ? Bon, ce n’est pas très honnête de ma part, Parisi est Italienne. C’est peut-être une expression, avoir de l’humour dans les yeux…
Et je ne vais pas défendre McCarthy. Il n’a pas besoin de moi. En revanche, je trouve que dire à un public qui n’est peut-être jamais entré dans une galerie ou un musée d’art contemporain, qu’un plug anal en forme de sapin (ou réciproquement) installé place Vendôme, ce n’est pas une provocation, c’est une critique, et qu’il faut quand même avoir un peu d’humour pour comprendre, c’est du mépris social.

- Euh, mais Madame Parisi, c’est une critique de quoi, alors ce sapin ? De l’institution ? De la consommation de luxe - de masse, place Vendôme? De votre parcours de commissaire ? De votre programmation de la deuxième Nuit Blanche ? Des politiques culturelles françaises ? Aidez-moi. Et les résultats de l’enquête sur la personne qui a agressé l’artiste, et ceux qui ont dégradé l’œuvre, vous avez des nouvelles ?
Dans les quelques interviews que j’ai pu voir de McCarthy, il parle de beauté, non de critique. J’aurais beaucoup aimé que vous le citiez, sur ce coup-là.

Bref, ça c’était pour la FIAC hors les murs.
Intra muros, Julien Prévieux recevait le prix Marcel Duchamp. J’ai peut-être mal cherché mais je n’ai pas trouvé d’article en ligne, pas un seul sur sa pièce et son prix, juste l’annonce du gagnant. Dans les Inrocks il est présenté, comme « l’auteur savoureux des fameuses “lettres de non-motivation” (…) explorant à la manière d’un “hacker low tech” et par l’intermédiaire d’un puissant travail de cartographie les dérives de la société de contrôle et du capitalisme. » (ref)
Je n’ai pas d’avis sur la saveur de l’auteur - je ne me permettrais pas - mais j’espère très sincèrement que les 35 000 euros de prix et les 30 000 euros de budget de production qu’il vient de recevoir lui permettront de mieux explorer les dérives du capitalisme. En revanche, ses « lettres de non-motivation » m’ont toujours donné la nausée. Depuis dix ans, cet artiste répond par la négative à des annonces d’embauche de type « chef de secteur dans les sauces froides… » ou autres bac +2 pas hyper sexy.
Du mépris social, comme jeu de société pour privilégiés. Beurk.
Pas de soucis, ce ne sont certainement pas ceux qui répondent aux annonces dont il se moque qui vont le collectionner ou l’exposer. Non, Julien Prévieux ne choisit pas des annonces d’institutions, en tout cas, je n’en ai pas vues. Sinon, il n’irait pas aux Etats-Unis, invité par FLAX*
FLAX is dedicated to fostering a better understanding of modern France through cultural events in Southern California. In partnership with local French organizations (French Consulate, Alliance Française, Maison de la France), FLAX initiates and creates public art events to promote French cultural education and heritage.
J’ai ensuite un peu cherché sur son CV et je n’ai trouvé aucune intervention qui ne soit liée à l’institution - mais, je peux me tromper. D’ailleurs, je dois me tromper, parce qu’un humour partagé à la fois par la rubrique Cadre Emploi du Figaro et celle des Arts des Inrocks, c’est quand même quelque chose !
En juillet dernier, ces derniers publiaient sous forme d’article signé par une journaliste – un « avis d’audition. Vincent Thomasset, metteur en scène, recherche trois interprètes pour un projet d’adaptation des lettres de non-motivation de Julien Prévieux ». C’est quand même sympa de la part d’un magazine culture d’aider comme ça les artistes.
Mais bon, je ne pouvais pas l’écrire, cette étude comparative, parce que ce n’est pas vraiment sur les textes de médiation que je m’énerve, là…

Dans ma décision de ne plus faire de newsletters il y a aussi l’épisode # 18 : « Missing the point ».
L’artiste XX présentée dans le texte que j’analysais, ne m’a plus parlé depuis. Il n’y a eu ni engueulade, ni discussions, ni tentative de dialogue, mais nos accointances communes m’ont fait une morale sévère : « On ne dit pas de mal des gens qu’on connaît »
Persuadée d’être dans mon bon droit moral, héritière archi-athée des premiers et derniers huguenots, ne me fiant qu’à la vérité intrinsèque du texte, je revendiquais le respect de l’intelligence du lecteur…
Mais quelle conne j’étais - et je suis, encore, sûrement.
Je me suis trompée. Je le reconnais… Je n’avais pas d’humour dans les yeux probablement. Il faut dire que je connaissais -personnellement- la personne et que jamais, mais alors jamais, je n’aurais pu imaginer la possibilité qu’il y eût de l’humour dans ses propos et/ou dans son travail.
Il faut dire aussi que sur la page d’accueil de son site, XX joue de la confusion dans la médation… On va dire ça comme ça, hein ou une médiation « à la frontière entre collaboration et appropriation »(ref)
Elle choisit par exemple de nommer des lieux prestigieux qu’elle a photographiés (MoMA 2013, Artits Space 2013, Wiels 2012, Fondazione Antonio Ratti 2011) mais pas ceux où elle a montré, préférant nommer l’oeuvre ou l’exposition. C'est certainement ce que sa galerie annonce : «un questionnement sur le commissariat et la scénographie des expositions. » (ref)
L’artiste vient de recevoir des Beaux Arts de Paris une bourse de 1684,93 euros bruts mensuels pendant trois ans pour préparer un doctorat autour de ce thème. Là, je dois m’incliner. Je ne vais quand même pas questionner le choix de Nicolas Bourriaud. Ce serait du suicide. Même si j’avoue une certaine curiosité à connaître son analyse sur ce choix étonnant de nommer ou pas les lieux d'expostion. Quand on fait une recherche doctorale sur l’exposition... qu’on a un travail sur « les questions d’institutions, de représentation, d’originalité, d’archives et de documentation »(ref), c’est quoi? Du cynique ? De l'hyper-cynique ?
« Elle renverse la définition du concept d’exposition. » (ref) peut-on lire ailleurs, et là je vous avoue, je ne me sens pas équipée conceptuellement.
Alors je clique sur le dernier projet en date. La Fiac. Une exception : un nom prestigieux cité où elle a effectivement montré son travail...


"C’est drôle quand même, non ? On pourrait croire qu’il s’agit d’un projet avec les artistes cités, mais non, c’est la mise en scène de multiples ou de livres, une « œuvre-réceptacle, pensée comme une invitation faite aux œuvres d’autres artistes à venir s’exposer dans ses cases. »
Je ne sais pas si son site va être « corrigé »... ou pas... (ref)

Ahh, ça me reprend docteur, j’ai l’impression qu’on se fout de ma gueule, des invitations faites aux œuvres à venir s’exposer dans les cases de l’artiste? Mes médicaments docteur s’il-vous-plait, tout de suite.

Je n’ai pas trouvé le CV de l’artiste sur le web, et sur son site, je n’ai pas vu d’expositions de groupe montées par des commissaires, mais là aussi, comme avec Julien Prévieux, je peux me tromper.

Je vous jure qu’avant la consécration par Nicolas Bourriaud, je n'avais pas capté le côté critique de la liste de noms d’artistes stars, de la mention - ou l’omission de mention - des lieux d’expositions selon leur réputation ou « comment faire entrer Stefan Kalmar sur son pdf ». Finalement, ce n’est peut-être pas du mépris du public, ça doit être autre chose. C’est peut-être expliqué dans son livre. Si quelqu’un l’a lu - à part les auteurs - ça m’intéresserait d’en discuter.

- Mais je ne suis pas Zorro, là… je suis Don Quichotte. Je dois être pathétique.

« Et on ne vous a pas beaucoup entendu défendre les Palestiniens » me reproche Marc Lénot, plus connu sous le pseudo de « Lunettes Rouges » qui se présente sur son blog comme « un amateur, pas un professionnel » et non « LE critique d'art du Monde» (sic) mais qui est quand même le lauréat 2014 de l’ACIA France (Association Internationale des Critiques d’Art).
Il m’a demandé de retirer son nom de ma liste de diffusion après la newsletter « Obrist au Quatar », ce que j’ai fait, car c’est tout à fait vrai, dans cette série sur les textes de médiation de l’art contemporain, je n’ai jamais défendu les Palestiniens.
Et puis il y a eu ce récent échange de mails avec un autre critique d’art/ commissaire : « Vous pourriez très bien vous entendre avec Nicole Esterolle : même style, même combat, même mauvaise foi, la grande classe, quoi. »
Et là, je me suis dit que franchement, je devais mal communiquer.
J'ai répondu : « Nicole Esterolle… Aïe, ça c'est très méchant car je ne partage aucun de ses points de vue... »
Le critique/commissaire : « C’est les risques du métier. Avant de casser faut peut être un peu se renseigner… De votre côté je vous trouve pas gentil mignon, plutôt hargneux. »
Je n’ai pas compris ce qu’il voulait dire par « mon côté » et pourquoi il me parlait comme à un mec, gentil et non gentille, mignon et non mignonne, hargneux et non hargneuse, mais je ne me sentais pas de lui demander. Je repartais sur de la grammaire, et il me prenait vraiment pour une tarée. Sauf qu'en anglais, après, ce n’est pas évident de faire passer la nuance, hein!
Je n’ai pas eu le courage non plus de lui expliquer que j’avais passé du temps sur le site des artistes présentés dans le texte en question, que je leur avais posé des questions auxquelles ils avaient répondu, mais qu’à celle de l’humour, ils m’avaient très poliment mais non moins très fermement renvoyée à la notion de réel et à Derrida.

Je suis Chimone de « Walking dead ». Mordue.
Tirez, là, au milieu du front, s’il vous plait.




Images de la série "Walking Dead", Julien Prévieux à la FIAC avec Manuel Valls et Fleur Pellerin, photo d'écran du site de XX)


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